Gregory Porter
Roy Hargrove Quintet

Soirée

Gregory Porter

Totalement inconnu du grand public il y a encore huit ans, le chanteur Gregory Porter a rapidement conquis l’Amérique, puis l’Europe, dès l’automne 2010 avec 1960 What?, une chanson contestataire de plus de neuf minutes. L’album Water (2010) installe Gregory Porter et sa voix de baryton sur un trône virtuel entre Nat King Cole et Donny Hathaway. Dès Liquid Spirit (2013) et sa composition When Love Was King, il est sacré par un irrésistible succès public. Aujourd’hui âgé de 46 ans (l’âge exact auquel disparaissait en 65 Nat King Cole !), le Californien installé à Brooklyn aborde avec la même aisance le style vocalese, le gospel, la caresse bluesy d’un Jimmy Witherspoon et bien sûr le velours de son héro d’enfance, Nat King Cole, qui est justement le sujet de son cinquième opus. Avec Nat King Cole & Me (2017), il revisite les succès du crooner (Nature Boy, Mona Lisa), mais celui qui lui tient le plus à coeur est peut-être Pick Yourself Up. La chanson résume l’influence que pouvait avoir Nat King Cole sur un enfant inquiet prénommé Gregory. « Relève-toi, enlève la poussière de tes vêtements et recommence tout depuis le début », susurre le refrain. « En enregistrant, je pouvais sentir la présence de ma mère, et aussi que je suis toujours à la recherche de mon père », explique alors le colosse. Il est de retour à Vienne entouré de l'ONL, dirigé par Vince Mendoza dont les arrangements donnent à l’album une ampleur à couper le souffle.

Line-up : Gregory Porter (voc), Chip Crawford (p), Jahmal Nichols (b), Emanuel Harrold (dms), Tivon Pennicott (sax), Orchestre National de Lyon

Crédits photo : © Eric Umphery

Roy Hargrove Quintet

Trompettiste emblématique de la seconde vague des "néo-boppers" apparus dès la fin des années 80 dans le sillage de Wynton Marsalis (qui le découvre alors qu’il est encore à l’université), Roy Hargrove s'est établi comme l'un des plus talentueux, l’un des plus imprévisibles du lot. Tout en s’illustrant aux côtés de Herbie Hancock, Sonny Rollins ou encore Diana Krall, le Texan (il est né à Waco en 1969) devenu leader distillera une vingtaine de manifestes sonores, en quintet majoritaire ou avec son RH Factor, zigzagant d’un jazz orthodoxe etinventif au funk ou à l’afrobeat le plus torride. Celui qui cite toujours David "Fathead" Newman (le fameux ténor de Ray Charles) comme son exemple revient aujourd’hui aux fondamentaux, avec un quintet de post hard bop flamboyant au sein duquel on remarque au saxophone le jeune et brillant Justin Robinson. Ce quintet est une machine de guerre dans la tradition des bouillants Jazz Messengers d'Art Blakey. En live, de ballades subtiles en polyphonies débridées, avec pour point de départ un air de Lee Morgan ou le Pinocchio de Wayne Shorter (le reste étant le plus souvent dû à Roy Hargrove lui-même), le trompettiste semble se concentrer sur un son d'ensemble. Suggérant d'un regard quelque orientation, ménageant silences et ruptures avec un à-propos toujours inspiré (surtout au bugle), le leader bientôt cinquantenaire a acquis la stature des plus grands.

Line-up : Roy Hargrove (tp), Justin Robinson (as, fl), Tadataka Unno (p), Ameen Saleem (b), Quincy Phillips (dr), Mr. Larry Clothier (tour-manager)

Crédits photo : © Andrea Boccalini